Découvrez ici deux rencontres avec Amma, la gourou vivante indienne qui distribue ses étreintes. La première fois lors de son déplacement à Mysore, puis dans son ashram, dans le Kérala. Chaque ressenti est différent sur cette question, je ne donne donc mon avis qu'à la fin des deux articles, le reste se veut le plus objectif possible.
Rencontre en Inde avec Amma
A 7 km du centre-ville de Mysore, à Bakadi II Stage, une grande affiche à l’effigie d’Amma signale l’entrée du festival. Le long de l’allée, de petits fanions dessinent le chemin jusqu’à une sorte de halle, montée spécialement pour sa venue.
Une organisation redoutablement efficace
Dès leur arrivée, les visiteurs retirent une time card. Elle sera troquée plus tard contre un token (jeton), lui-même donnant accès au fameux darshan, l’étreinte sacrée de l’Indienne. Mieux vaut arriver tôt ! Après avoir ôté leurs chaussures, les fidèles vont s’asseoir et s’attellent à la construction d’un petit temple avec des feuilles de bétel et de l’encens, sous la dictée d’un maître. Ils y déposent de l’eau goutte à goutte tout en récitant des mantras. Vers 9 heures, ils s’en vont déposer cette offrande au temple de l’école adjacente en la portant sur leur tête.
Dix heures marque la fin de la distribution des time card. A droite de l’autel destiné à Amma, un homme donne les instructions dans un micro. La traduction est faite en anglais, sur grand écran. Les gens prennent place petit à petit en attendant Amma. Et l’attente est plutôt longue ! Quelque 2 000 personnes sont présentes ce jour-là. D’autres arrivent encore en fin de matinée pour suivre la cérémonie mais elles n’auront pas le privilège d’obtenir un darshan.
Tous ensemble récitent les 1 000 mantras qui font l’éloge d’Amma. S’ensuit une présentation de IAM méditation, une méthode qu'elle a développée. Vers 11 heures, Amma arrive enfin, encadrée de bénévoles, pour la plupart occidentaux. Vêtus de blanc, ils appartiennent à son association Embracing the World ou séjournent à son ashram d'Amritapuri, au sud du Kerala. D’autres sont Indiens, font partie du staff de l’école ou de l’organisation du festival à Mysore.
La petite femme, bien portante mais sans âge, cachée sous une large ombrelle, attire la ferveur des présents qui se pressent contre les barrières. Cinq ou six chants sont sous-titrés en anglais avant qu’elle ne prenne la parole. Le discours est là encore sous-titré en anglais et, parfois, quelqu’un s’exprime à la place de la gourou. Plusieurs axes sont développés dans cette allocution prônant tolérance, humilité et pacifisme. La cérémonie se termine par une courte méditation accompagnée d’une prière. Deux bénévoles encensent un nouvel autel et Amma leur jette des fleurs dessus.
Un token pour un darshan
C’est enfin l’heure de la distribution de darshans. Au cours de la cérémonie, des bénévoles passent entre les rangs pour échanger les time card contre des tokens. Sur ces derniers, des numéros sont inscrits. Ils indiquent l’ordre de passage pour les darshans afin d'éviter, d’une part, la file d'attente trop importante et, d’autre part, de fatiguer Amma avec un surplus de personnes.
Les fidèles s’engagent dans la queue en présentant leur numéro lorsque celui-ci s’affiche sur un panneau. Pour patienter, ils vont déjeuner, le thali est offert par l’association. Il y a une file d’hommes et une file de femmes. Les bénévoles qui s’en occupent sont du même sexe. Le numéro est vérifié plusieurs fois. Un bénévole contrôle que les fidèles retirent bien leurs chaussures. Un autre leur fait enlever leurs lunettes et détache leurs cheveux pour protéger Amma d'éventuelles blessures causées par les pinces et autres barrettes. Un troisième couvre les chevelures des Indiennes et prend les sacs des Occidentaux. Un quatrième lave le visage avec une lingette. Enfin, un dernier donne une petite poudre sucrée à manger.
Le stress monte, mêlé à l’excitation. Que va-t-il se passer ? Le message que nous sommes Français est passé à Amma. Une femme tient délicatement notre tête afin de la plonger de manière appropriée dans les bras d’Amma. L’étreinte est courte mais personnalisée. Amma nous glisse quelques mots à l’oreille dans une langue que nous sommes censés comprendre, tout en nous embrassant. La pression de ses bras ne dure que quelques secondes mais semble s’éterniser. Après le câlin, nous sommes précipités entre deux rangées de bénévoles qui nous donnent un petit paquet avec un bonbon et de la poudre pour se peindre le 3e œil sur le front. Étonnant !
Amritapuri, immersion dans un ashram
Ils sont Hollandais, Belges, Français ou Américains. Ils résident à l’ashram d’Amma depuis quelques mois, ou reviennent chaque année passer l’hiver depuis 15 ans. Jeunes touchés par la grâce, illuminés de tous poil ou retraités en mal de soleil se retrouvent dans cet immense complexe qui, à s’y méprendre, pourrait passer pour un village de vacances, les chants religieux en sus. Mais regardons de plus près.
L'ascension d'une gourou
Mata Amritanandamayi, dite Amma, est célébrée en Inde pour ses miracles et l’aide qu’elle apporte aux plus démunis, en Inde et partout dans le monde, depuis les années 1980. Après le tsunami de 2004 notamment, elle a offert son épaule pour pleurer à des milliers de victimes qui avaient tout perdu. Cette Mère Teresa indienne est aussi vénérée comme une déesse vivante aussi bien par les Kéralais et de nombreux Indiens que par des milliers d’Occidentaux.
Elle a bâti pour eux en 1981 un ashram magnifique et gigantesque, au milieu d’une forêt de cocotiers, entre l’océan et les backwaters. Ce cadre idyllique, propice au repos et à la méditation, accueille aussi bien des renonçants, que des résidents longue durée et des touristes de passage, plus ou moins intéressés par la spiritualité en Inde. Posters et colifichets à son effigie, prosternation, files d’attente interminables… Amma suscite la dévotion de plus de 2 000 fidèles dans son ashram.
Pujas, prasad, bhajan et seva
À l’image de son gourou, l’ashram est résolument tourné vers les autres, par le biais du seva journalier, un service désintéressé pour la communauté (environnement, nettoyage, restauration, etc.). Les discussions entre les habitants sont encouragées et tout est fait pour que les étrangers se sentent bien (cantine et café internationaux, magasins de souvenirs, Internet, informations sur le voyage, etc.). Les bénéfices reviennent à l’association d’Amma, Embracing the World.
À leur arrivée, les visiteurs sont immédiatement pris en charge, ils signalent leur entrée au registration desk, s’installent dans une chambre partagée, modeste mais suffisante (les couples logent dans un mini studio), et prennent connaissance des règles de l’ashram qui sont grosso modo les mêmes que les règles implicites de toute l’Inde, à savoir ne pas fumer, ne pas boire de boissons alcoolisées et être décemment vêtu. Une visite est organisée à 17 heures tous les jours pour permettre aux nouveaux arrivants de se repérer plus facilement. Pour les novices, l’immensité du lieu est déstabilisante, surtout que tout le monde a l’air de savoir où il va.
Il y a deux temps forts à l’ashram : les pujas (cérémonies d’offrande et d'adoration) et les prasad (dons de petites sucreries qu'Amma fait aux fidèles). Les visiteurs peuvent suivre le programme des résidents à l'année. Leur journée commence à 4 h 50 par l’archana. Cette récitation des 1 000 noms de la Mère est reconduite vers 11 heures. De 6 h 30 à 7 h 30, certains ont l’habitude de méditer sur la plage au lever du soleil. Ils prennent le petit déjeuner et font leur seva. C’est aussi l’heure de l’ouverture des principaux services (bazar, cadeaux, eco center, magasin de musique et de bijoux, épicerie et même piscine, etc.).
Le déjeuner se prend à 13 heures. L’après-midi, les résidents s’adonnent aux mêmes activités. Certains vont à la plage avec les bus locaux. Le lundi et le vendredi à 17 heures, lorsqu’Amma est là, il y a une méditation et un enseignement en sa présence. La journée se termine à 18 h 30 par les bhajans dans le hall, des chants en musique qui transcendent - au sens propre - les participants. Quand la gourou est présente, les activités sont chamboulées les jours de darshans, c’est à dire mercredi, jeudi, samedi et dimanche, à partir de 11 heures. Le mardi (le jour qui reste), elle fait un prasad, c’est-à-dire qu’elle bénit la nourriture après un discours et une méditation dans le temple.
La question de l’argent
En plus des rendez-vous spirituels, des loisirs sont proposés. Certains sont gratuits : piscine (ouverte le matin et l'après-midi à des horaires différents pour les hommes et les femmes - se faire prêter une robe de bain traditionnelle kéralaise) ; documentaires projetés à l’eco center ; cours de yoga offert (puis 100 Rs par séance supplémentaire). De nombreux workshops payants sont proposés chaque jour. Il vaut mieux s’inscrire la veille. L’occasion d’apprendre à lire dans les lignes de la main, de tester le yoga du rire ou de pratiquer la musique indienne traditionnelle.
Il est possible pour les dévots d’acheter un appartement pour environ 20 000 euros. Celui-ci revient à l’ashram à leur mort. Les petites maisons non loin de la plage coûtent 15 000 euros. Pour le quidam lambda, l’hébergement et les trois repas reviennent à 4 euros par personne (environ 280 roupies), mais il est gratuit pour les renonçants qui vivent ici en permanence. Les cellules rondes se louent, elles 500 Rs. Autant dire que l'ashram ne se fait aucun bénéfice sur le dos des fidèles.
Qui sont donc ces dévots vêtus de blanc ?
Les parcours des résidents sont tous différents, mais la plupart des gens semblent charmés par la dévotion religieuse qui règne à l’ashram. L’Anglais qui s’occupe des visites est là depuis 2006, de 3 à 6 mois par an... Je discute avec A., un jeune homme qui a tout lâché pour suivre Amma. Il a été touché dès sa première rencontre, à Toulon, et a changé radicalement de vie ensuite. Pour donner un sens à sa nouvelle spiritualité, il a travaillé dans un premier temps sur le chemin de Compostelle. Avec d'autres Français, en van, il a ensuite suivi Amma dans son tour d'Europe et vient d’achever sa tournée en Inde, comme bénévole. Il lui a fallu économiser environ 1 000 euros pour se payer le voyage... Une femme plus âgée, rencontrée sur la plage, cherchait, elle, un gourou vivant. Ce fut un vrai choc lorsqu’on l’a amenée dans les bras d’Amma alors qu’elle était en larmes et à demi évanouie... Je partage aussi un petit déjeuner avec une Française d’un certain âge qui ne comprend pas ce qu’elle fait là. Elle voulait partir aux Caraïbes avec son mari, mais son fils leur a offert un mois de repos à Amritapuri. Son époux ne veut même plus sortir de la chambre… C'est dire si le fossé est large et il est évident que certaines populations ont du mal, sinon à séjourner ensemble, au moins à communiquer.
Un ashram loin des idées reçues
Dans l’ashram d’Amma, la vie tourne autour d’Amma. Et tout le monde ne parle que d’elle. Elle a souhaité que les Indiens et les Occidentaux vivent ensemble et soient bien lotis. Sa mère âgée y vit encore, dans une petite maison, mais son père est mort. Quelque 32 000 jeunes bénéficient d'une bourse grâce à son association et vont étudier de l’autre côté du pont, dans une immense université. C'est, selon moi, le point le plus intéressant de la démarche d'Amma car elle offre réellement une vie meilleure à des milliers d'étudiants, en plus d'apporter son aide sous forme de missions caritatives.
Quant à l'ashram et aux Occidentaux qui y vivent, c'est une autre affaire. J'ai été, pour ma part, plutôt déroutée par la dévotion à un gourou vivant. Cela s'explique probablement par ma culture judéo-chrétienne où le culte du divin se pratique de manière très différente de l'hindouisme. J'ai également été surprise par la grande agitation qui règne dans le lieu - même si ce n’est rien par rapport à l'Inde d'une manière générale ! Je pense qu’un cadre beaucoup plus austère m'aurait mieux convenu pour une approche de la spiritualité plus introspective. Comment se concentrer sur la méditation quand on rêve d'un burger veg-cheese... ? Comment suivre avec assiduité les chants quand on peut papoter aux cafés avec ses nouvelles copines... ? Le pendant positif de cette grande ouverture sur l'extérieur, est de permettre à toutes et à tous de pénétrer dans l'ashram...
Indépendamment du lieu, je n'ai pas ressenti d'énergie particulière émaner des personnes qui habitent là depuis un moment. Elles ne m'ont pas semblé pleines de compassion, ni d’altruisme, mais davantage tournées vers leur démarche personnelle. Ce n'est, en soit, pas condamnable, mais cela fait partie des choses qui m'ont manqué. J’en déduis que je ne suis pas venue dans cet ashram au bon moment. Elles devaient probablement sentir que je n'étais pas assez réceptive, comme de nombreux autres voyageurs, plus curieux qu'engagés. Enfin, j'avais déjà approché par d'autres biais la spiritualité et je pense que ce n'est pas pour moi... Sauf comme observatrice.
Je vous invite à découvrir cet ashram par vous-même, après vous êtes renseigné et inscrit sur le site officiel Amritapuri.
Si toutefois, vous souhaitiez d'autres informations pratiques, bâtir un projet rédactionnel ou simplement échanger votre point de vue, je vous laisse me contacter par mail.