Toro, un petit village isolé du canyon de Cotahuasi, au Pérou, s’est lancé le pari insensé de devenir un pôle d’attraction touristique. Il est soutenu dans cette démarche par Aedes, une ONG péruvienne chargée de développer l’écotourisme en zone rurale.
La particularité du village de Toro est sa situation géographique, mais aussi la volonté farouche de son association de femmes, prête à tout pour attirer les étrangers dans un village visité par deux ou trois occidentaux chaque année. Situé à 2 900 mètres, Toro se trouve dans le canyon de Cotahuasi (province de la Union).
Plus abrupt que son voisin de Colca, le canyon de Cotahuasi est aussi le plus profond d’Amérique avec ses 3535 mètres. Très isolé, il est peu touristique. Pour preuve, une excursion de trois jours à Cotahuasi coûte cinq fois plus cher qu’à Colca.
Il y a quelques années encore, Toro n’était accessible qu’à cheval. Les habitants se préparent depuis 10 ans à la réception de touristes. Ils cherchent à récolter des fonds (organisation de "polladas", reproduction de "cuyes", vente de fromages...), afin de financer l'achat de petit mobilier, d'une gazinière et de toilettes pour loger des étrangers chez eux dans de bonnes conditions. Ils participent, grâce à l'ONG péruvienne Aedes, à des cours qui les forment à l'écotourisme, auxquels j'ai pu assister. Ils apprennent, notamment, à protéger leurs ressources naturelles (forêt, eau...) et leur patrimoine (maison en adobe contre hôtel en béton).
Toro, exemple de tourisme solidaire, en est à la toute première étape de cette démarche.
Depuis la parution de l'article, je signale que l'association de femmes a créé son site Internet : http://peruvolunteersfamily.com/toro/ , et quatre familles proposent désormais un hébergement. Il est possible de les contacter directement.
Pour plus d'informations, contactez-moi ou consultez la page :
http://www.neo-planete.com/2012/08/03/au-perou-ces-femmes-qui-revent-de-touristes/
Toro, un petit village isolé du canyon de Cotahuasi, au Pérou, s’est lancé le pari insensé de devenir un pôle d’attraction touristique. Il est soutenu dans cette démarche par Aedes, une ONG péruvienne chargée de développer l’écotourisme en zone rurale.
« Il y aura des touristes quand je serai grand-mère », plaisante Marleni Bautista. Et pourtant, l’association de femmes Manuel Toribio Mejia Xesspe, dont elle est la présidente, se prépare à les accueillir depuis une dizaine d’années. Il faut qu’il dire qu’à l’époque, le village de Toro n’était accessible qu’à cheval. Plus profond (3 535 mètres) et abrupt que son voisin de Colca, le canyon de Cotahuasi est encore méconnu des touristes.
Il y a cinq ans, les femmes de Toro s’associent à Aedes (Asociación Especializada en Desarrollo Sostenible). A travers le programme Asoturs, cette ONG péruvienne réunit les comités locaux des onze villages de la province de la Unión, en vue d’y développer des activités touristiques en complément des activités de production existantes.
Depuis 2005, la province de la Unión est en effet reconnue comme une aire naturelle protégée. « L’objectif est l’apport de services de qualité pour du tourisme rural communautaire : hébergement, restauration, guide, sous forme de circuits ou de packs. Le second intérêt est de conserver la biodiversité et la richesse culturelle du lieu. Les habitants doivent utiliser les ressources locales, sans contaminer l’environnement », explique Lyria Llerena Cruz, d’Aedes.
Une fois par an, chaque village reçoit deux volontaires de l’international. Ces derniers participent aux frais d’hébergement à hauteur de deux cents soles par semaine. Ils contribuent à la construction des structures d’accueil avec les habitants : mirador en bambou, parasols de chanvre, panneaux touristiques, ou encore conception de cages en adobe destinées à accueillir les cuyes, un petit mammifère apparenté au hamster dont les Péruviens sont très friands. Les volontaires sont logés chez la présidente de l’association et mangent à tour de rôle dans les autres familles du village. Morgan, Matthew, Katia ou Jessica en ont gardé un bon souvenir. Ils ont envoyé des photos que Marleni conserve précieusement dans un classeur.
C’est l’unique apport financier émanant de l’extérieur. « C’est pour cela que c’est si long », précise Marleni. Cet argent est immédiatement réinvesti pour acheter du mobilier (lit, matelas, table, chaise) et équiper les maisons de gazinières, de toilettes et de douches. Une autre partie est destinée à rémunérer les différentes familles en charge de recevoir les volontaires, quinze soles pour le gîte, vingt pour le couvert. Enfin, Aedes prend une commission de quarante soles pour chaque volontaire qu’elle enverra dans les villages. Autant dire qu’il ne reste plus grand-chose à la fin !
Pour subvenir à ses besoins, l’association Manuel Toribio Mejia Xesspe doit trouver d’autres recettes. Elle commercialise des produits laitiers : fromage, yaourt et beurre, et organise des polladas (vente de poulets grillés).
Comme les volontaires, les premiers touristes dorment et prennent leurs repas dans les dix familles (40 soles) ou dans le petit « hôtel » du village, sur le modèle des îles du lac Titicaca. Des visites guidées, à la cascade de Sipia et aubaño del cóndor, sont également organisées pour faire découvrir les richesses de la région. Les bénévoles sont les cobayes idéaux pour entraîner les futurs hôtes. Olympia, mazamorra morada - une crème de maïs violet - en main, est un peu nerveuse. Sebastiana joue la carte de l’humour lorsqu’on lui demande où sont les toilettes, tandis que Rosario, jeune maman, est quelque peu dépassée par les événements. Mais les Péruviens se montrent très curieux du mode de vie de leurs voisins européens. Aussi, le mari de Marleni, professeur à Arequipa, est incollable sur Calvin, Napoléon ou encore Louis XVI.
Une fois par mois, Lyria Llerena Cruz vient donner un cours d’écotourisme aux femmes. Ce soir, à la lueur de la bougie. Objectif de la leçon : convaincre les habitants que l’harmonie dans leur village est primordiale. « Pour paraître plus riches et plus modernes, certains villages ont abandonné l’adobe pour le ciment. Or les touristes recherchent de l’authenticité », explique la jeune femme. Aedes est également chargée de l’assistance technique et dispense des conseils en matière de nettoyage, d’ordre ou d’hygiène en cuisine. « Tous les produits achetés servent à améliorer dès à présent la vie des habitants, en attendant les touristes », explique Lyria Llerena Cruz.
Quatre fois par semaine, un micro bus relie Toro à Cotahuasi en trois heures. La route asphaltée ramènera cette portion à une heure trente. Un bus relie ensuite Cotahuasi à Arequipa en onze heures. Ce trajet pourrait être réduit à 7 heures avec une nouvelle route. Un espoir pour les habitants. Le canyon de Cotahuasi se trouverait alors à la même distance de la ville blanche que celui de Colca. Ce sera alors l’heure de récolter les fruits d’un dur labeur.